vendredi 2 décembre 2016

Du président par défaut au candidat faisant défaut..



"Humilité", "dignité", "posture d'homme d'Etat", "grandeur", "résignation", "renoncement", "abdication"... 



Les commentaires émis depuis l'annonce de la non-candidature de l'actuel président de la République à sa propre succession en 2017 abondent et continueront, à n'en pas douter, d'alimenter les discussions sur la décision prise par François Hollande en cette soirée du 1er décembre 2016.

Si pour certains, il s'agit là d'un aveu de faiblesse manifeste - source de fragilisation des équilibres institutionnels de la Cinquième République, pour d'autres, cette volonté d'en rester à un mandat présidentiel relève davantage du courage politique.

Toutes ces interprétations sont recevables en l'état. 

D'une part, la logique du présidentialisme majoritaire - renforcée ou véritablement introduite à la faveur de la révision constitutionnelle de 2000 relative au quinquennat - impliquait nécessairement que le président en exercice, non seulement pouvait, mais plus encore, devait nécessairement, se présenter à sa propre succession pour poursuivre son action (la Constitution ne prévoyant qu'une limitation à deux mandats successifs depuis une révision de 2008). Ainsi, seul le président en exercice est revêtu d'une autorité telle que sa candidature ne pouvait sérieusement être contestée par son camp politique ou plutôt par l'appareil politique, qui vient au soutien de la majorité présidentielle. 

C'est d'ailleurs ce constat qui a été source d'un imbroglio sans nom, lorsqu'il a été question de la réactivation du mécanisme des primaires à gauche pour l'échéance présidentielle de 2017 - après une première tentative concluante en 2011. En effet, la subordination - ou le rabaissement - d'un président en exercice à un tel mécanisme de sélection était inenvisageable pour les raisons politiques et institutionnelles précitées, même si des raisons davantage pratiques pouvaient également être invoquées (comment assurer une compétition interne à armes égales entre la personne du président sortant et les autres compétiteurs?). 

D'autre part, cette renonciation à un nouveau mandat peut être perçue comme l'expression d'un acte de lucidité de la part de François Hollande, conscient d'une conjonction de facteurs à mettre à son passif et qui transparaissent peu ou prou dans son discours : les limites de son bilan économique faute de résultats rapides et tangibles, la communication erratique autour de son action et surtout de sa personne, et surtout l'état de division de la société française au sujet duquel il admet que son seul et unique regret [durant son quinquennat] était d'avoir initié le fameux projet de loi constitutionnelle visant à étendre les possibilités de déchéance de la nationalité française

Sur tous ces sujets, je n’ai qu’un seul regret, et je veux ici l’exprimer : c’est d’avoir proposé la déchéance de nationalité parce que je pensais qu’elle pouvait nous unir alors qu’elle nous a divisés. [extrait du discours télévisé du 1er décembre 2016]

Ces éléments devaient également être confrontés à la conjoncture politique actuelle qui voit un potentiel d'éclatement à peine larvé à gauche et un retour en force des courants libéraux-conservateurs à droite - tandis que l'extrême-droite occupe un rôle passif d'observateur, ayant déjà préempté symboliquement sa place au second tour de l'élection présidentielle de 2017. En ce sens et si une approche en termes de psychologie sociale est permise, il peut être considéré que l'actuel président de la République a fait preuve d'un certain sens du sacrifice

Je le fais en prenant toute ma responsabilité mais aussi en en appelant à un sursaut collectif et qui engage tous les progressistes qui doivent s’unir dans ces circonstances parce que ce qui est en cause, ce n’est pas une personne, c’est l’avenir du pays. Je ne veux pas que la France soit exposée à des aventures qui seraient coûteuses et même dangereuses pour son unité, pour sa cohésion, pour ses équilibres sociaux. [extrait du discours télévisé du 1er décembre 2016]

En somme, la voie était donc étroite, pour François Hollande, entre des solutions faussement alternatives: "ne pas y aller du tout", "y aller en se soumettant à des primaires" ou "y aller en court-circuitant les primaires". 

Quoi qu'il en soit, cette épisode d'auto-limitation du chef de l'Etat est vouée à conforter la "primarisation" montante de la vie politique française. Après des primaires globalement réussies à droite - même si non-dénuées de toute surprise, ainsi que l'a montrée la surprise de l'adoubement final d'un François Fillon, les primaires semblent bel et bien constituer un passage obligé à gauche pour les candidats à la fonction présidentielle. Et il n'est,à cet égard, pas certain que celles-ci se déroulent aussi sereinement qu'à droite... 

Pour finir, il est intéressant de noter que si François Hollande, élu, au terme des primaires de 2011 et des présidentielles de 2012, au bénéfice de l'éviction de "dernière minute" d'un Dominique Strauss-Kahn, ainsi que d'un rejet important de Nicolas Sarkozy, s'était alors imposé comme un président par défaut, celui-ci se trouve désormais être un candidat faisant défaut.







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